C’est à 35 ans, avec grande stupéfaction, que j’ai appris que les mots « vagin » et « vulve » n’étaient pas synonymes. La honte après la surprise. Bin oui, j’ai déjà vu des images du système reproducteur*. J’avais compris que le vagin était le tube où entre le pénis. Et jusqu’à tout récemment, je croyais que le mot vulve signifiait la même chose. Comment ça se fait qu’une fille comme moi ne savait pas la différence ?! (J’ai quand-même suivi un cours d’introduction à la sexologie à l’université!!)
Après réflexion, ça m’a titillé entre les jambes. Voici ce qu’on nous enseigne dès l’enfance : « Les p’tits garçons ont un pénis et les filles ont un vagin.* » Maintenant que je connais la différence entre une vulve et un vagin, mes oreilles entendent : « Les gars ont un pénis et les filles ont un réceptacle à pénis ! » C’est un enseignement de base aussi limité qu’un vieil alcoolique sans viagra !
Pénis en bois, trou imaginaire dans lequel il va se mettre, condom et MTS. En quelques mots, voilà ce qui résume mes cours de sexualité au secondaire. Je vais donner cinq morceaux de robot aux profs pour l’imagination dont ils ont fait preuve afin de meubler 10 cours avec cette matière ridicule ! Je me souviens encore du malaise de cette dame âgée qui devait dire le mot « pénis » devant toute la classe. Elle avait autant d’expérience que ses élèves de 12 ans. Pénible souvenir que celui de son visage crispé et de ses mains maladroites déroulant une capote sur un bout de bois.
À cet âge, j’avais déjà touché un « vrai » pénis. J’étais très curieuse de découvrir cet engin qui me fascinait déjà. Je me foutais de la théorie, je voulais pratiquer, en savoir davantage. Ma soif de tout savoir aurait été satisfaite si j’avais eu l’opportunité de parler de sexe ouvertement. Lorsque je reçois des réponses claires, l’urgence d’agir prend son trou. Puisque j’étais l’une des seules à poser des questions, j’aurais aimé tomber sur une prof hip et branchée, qui nous invite plutôt à s’observer soi-même, à apprivoiser notre propre corps, d’abord et avant tout. Avec mes camarades, j’aurais aimé élaborer sur le concept suivant: chaque homme et femme ont des goûts uniques qu’ils doivent apprendre à exprimer. Que le respect mutuel et une communication franche sont des clés importantes pour une sexualité épanouie.
Malheureusement, les profs de mon école étaient choisis par des directeurs religieux ; R.I.P. l’idée d’avoir une prof à mon image. Pas question de parler de masturbation et du clitoris ! Puisque cet organe magnifique ne sert pas à la reproduction divine (sic), on a fait comme s’il n’existait pas. Pourtant, j’ai la conviction que plusieurs filles* auraient gagné confiance en elles si on avait abordé le sujet délicat de la vulve « at large » ; le clito, le poing G, les lèvres, la lubrification, les menstruations, l’éjaculation féminine, les cunnilingus, la sexualité tantrique, etc. J’aurais aimé qu’on m’enseigne le fait que les corps sont diversifiés et parfaitement imparfaits.
Au lieu de quoi, j’ai découvert la pornographie au début de mon adolescence et je me suis lamentablement comparé à ces actrices uniformes pendant trop longtemps. À cette époque, je cherchais de l’information sur l’art de faire l’amour et j’en ai retiré trois choses : « Sois cochonne, mets-la profond dans ta bouche, fais semblant que c’est bon en simulant l’orgasme. » Brainwash pornographique.
Ça me prendra des années pour me reprogrammer différemment, pour honorer ma valeur en tant que femme libre et pour apprendre à me respecter suffisamment afin de dire « voilà ce que j’aime et voici mes limites ». L’éducation « focus-phallus » actuelle encourage certains tabous qui persistent malgré l’époque d’hyper sexualisation où nous vivons. Je rêve de générer plus de conscience, plus de chaleur humaine, de spiritualité-sexuelle afin d’instaurer une connexion saine entre les participants.
J’ai donc inventé le Vagin Connaisseur, pour initier les vagins amateurs et promouvoir ce que j’aurais dû apprendre il y a des années : notre vulve est un temple sacré, honorons-la !
– Mel Goyer, 2016

