Un jour, un enfant osa demander à son père le secret du bonheur. Alors le père dit à son fils de le suivre; ils sortirent de la maison, le père sur leur vieil âne, le fils à pied. Et les gens du village s’indignèrent: «Quel mauvais père qui oblige ainsi son fils à aller à pied!» Tu as entendu mon fils? Rentrons à la maison.
Le lendemain, le père installa son fils sur l’âne tandis que lui marchait à côté. Les gens du village lancèrent alors: «Quel fils indigne, qui ne respecte pas son vieux père et le laisse aller à pied!» Tu as entendu, mon fils ? Rentrons à la maison.
Le jour suivant, ils montèrent tous les deux sur l’âne. Les villageois s’exclamèrent: «Ils n’ont donc aucun cœur pour surcharger ainsi cette pauvre bête!» Tu as entendu, mon fils? Rentrons à la maison.
Le jour suivant, ils partirent en portant eux-mêmes leurs affaires, l’âne marchant derrière eux. Les gens du village commentèrent de plus belle: «Voilà qu’ils portent eux-mêmes leurs bagages maintenant! C’est le monde à l’envers!» Tu as entendu mon fils? Rentrons à la maison.
Arrivés à la maison, le père dit à son fils: «Tu me demandais le secret du bonheur? Peu importe ce que tu fais, il y aura toujours quelqu’un pour y trouver à redire. Fais donc ce que tu aimes ou ce que tu penses juste de faire, et tu seras heureux!»
«Être libre, c’est aussi ne pas agir en fonction du regard d’autrui. Or, bien souvent, nos actions ou nos réactions sont mues par le désir de plaire ou de ne pas déplaire, de se conformer aux usages communs ou bien au contraire de se rebeller contre eux, d’attirer l’attention ou de rester discrets. Agissant ainsi, nous sommes prisonniers du regard des autres. La sagesse consiste aussi à se libérer de ce regard pesant, bien souvent si intériorisé que nous n’en avons pas conscience.»
Extrait du livre L’Âme du monde, de Frédéric Lenoir